Le groupement développemental et comportemental peut prédire le changement des comportements adaptatifs dans le temps de jeunes enfants ayant un trouble neurodéveloppemental

Abrégé de : Rivard, M., Mestari, Z., Coulombe, P., Morin, D., Mello, C., & Morin, M. (2023). Developmental and behavioral groupings can predict changes in adaptive behavior over time in young children with neurodevelopmental disorders. Research in Developmental Disabilities, 132, 104390. https://doi.org/10.1016/j.ridd.2022.104390

Les troubles neurodéveloppementaux (TND), qui incluent le trouble du spectre de l’autisme (TSA), la déficience intellectuelle (DI), le retard global de développement (RGD) et les troubles d’apprentissage et de communisation, présentent de nombreux chevauchements et hétérogénéités. Ces caractéristiques, tout comme les nombreuses comorbidités et les difficultés émotionnelles souvent associées à ces troubles, complexifient le diagnostic différentiel et la planification des interventions. L’hétérogénéité à l’intérieur d’un même diagnostic implique des différences importantes dans les besoins des enfants en termes de soutien, d’interventions, mais aussi concernant le pronostic. Étant donné tous ces aspects, le diagnostic pourrait ne pas être le meilleur prédicteur du développement de l’enfant et de sa réponse aux interventions. Baser les interventions offertes et l’intégration des enfants uniquement sur la base de son diagnostic pourrait être préjudiciable à l’enfant et à sa famille. D’autant plus que le diagnostic est nécessaire pour accéder aux interventions et que les listes d’attente sont longues pour obtenir un diagnostic, et par la suite des interventions. Considérant toutes ces enjeux, certains auteurs ont proposé que des indicateurs cliniques précoces (au-delà et avant un diagnostic formel) soient utilisés pour référer les enfants à des services avant ou pendant l’évaluation diagnostique. Davantage de recherche est nécessaire pour connaître ces indicateurs. Cette étude fait suite à une première étude qui identifiait trois sous-groupes cliniques transdiagnostiques :

  • Groupe 1. Au moment de leur diagnostic, les enfants de ce groupe avaient moins de comportements problématiques, des symptômes moins sévères de TSA et un plus haut niveau de fonctionnement adaptatif. Ce groupe incluait plusieurs types de TND.
  • Groupe 2. Les enfants étaient plus jeunes lors du diagnostic. Ils avaient davantage de comportements liés à la définition classique du TSA et un fonctionnement adaptatif et intellectuel plus limité.
  • Groupe 3. Ce groupe incluait des enfants ayant des difficultés comportementales et émotionnelles.

L’étude actuelle a pour objectif d’élargir la compréhension des indicateurs cliniques observés dans cette première étude en étudiant l’évolution de ces sous-groupes et en s’intéressant davantage au fonctionnement adaptatif. L’étude visait spécifiquement à :

  1. Identifier des indicateurs, présents lors du dépistage, qui prédiraient l’appartenance d’un enfant à un sous-groupe clinique.
  2. Faire le suivi des comportements adaptatifs (indicateur du fonctionnement quotidien) des enfants à l’âge scolaire pendant une période de deux ans.
  3. Explorer si l’appartenance à un sous-groupe prédit l’évolution des comportements adaptatifs.

Survol de la méthode

Participants : 194 enfants âgés entre 2 ans et 7 ans qui avaient été évalués dans une clinique d’évaluation spécialisée pour une suspicion de TSA, de RGD ou de DI.

Instruments de mesure : comportements adaptatifs et questionnaire sur les marqueurs développementaux liés aux TND (par exemple sommeil, imitation, langage, contact visuel, etc.).

Procédure : à la suite du processus d’évaluation et suivant l’annonce du diagnostic au centre d’évaluation Voyez les choses à ma façon, les familles étaient invitées à participer au projet de recherche. Les familles ont consenti à l’accès au dossier clinique de leur enfant (motifs de référence de l’enfant, évaluations diagnostiques remplies lors de l’évaluation).

Analyses : des régressions logistiques ont été réalisées afin de prédire l’appartenance à un sous-groupe clinique. Ensuite, des modèles linéaires mixtes ont été utilisés pour observer les changements de comportements adaptatifs dans le temps et si ces changements variaient selon les sous-groupes. Des régressions linéaires multiples ont été faites pour déterminer si les indicateurs précoces et l’appartenance au sous-groupe prédisaient les changements de comportements adaptatifs.

Résultats

Trois patrons de changements de comportements adaptatifs ont été observés selon l’appartenance aux sous-groupes cliniques :

  • Groupe 1 : plus haut fonctionnement au premier temps de mesure, mais diminution des comportements adaptatifs au fil du temps.
  • Groupe 2 : fonctionnement adaptatif plus bas que les deux autres sous-groupes au temps 1 et demeuré bas aux autres temps de mesure.
  • Groupe 3 : fonctionnement intermédiaire entre les sous-groupes 1 et 2 au temps 1, mais amélioration des comportements adaptatifs au temps 3.

Concernant les indicateurs précoces de l’appartenance à un sous-groupe :

Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3
Communication générale De bonnes habiletés de communication Plus de difficultés de communication, langage réceptif plus restreint Bon langage réceptif
Pointer Ne pointaient pas à l’âge de 24 mois Pointaient bien
Cris et pleurs Capables de communiquer autrement que par les cris et les pleurs à 24 mois Communiquaient davantage en criant ou pleurant
Répéter des phrases Capables de répéter des phrases Ne répétaient pas de phrases à 24 mois

Contrairement aux groupements effectués lors de l’étude 1, les indicateurs précoces n’étaient pas liés au changement de comportements adaptatifs dans le temps.

Discussion

Ces résultats soutiennent l’idée qu’une approche transdiagnostique qui prend en compte les caractéristiques cliniquement significatives d’une personne pourrait être un ajout important à l’approche diagnostique catégorielle traditionnelle. L’étude actuelle montre que :

  • Le groupement effectué lors de l’étude 1 était le meilleur prédicteur des scores de comportements adaptatifs et donc du fonctionnement quotidien de l’enfant.
  • L’évolution des comportements adaptatifs était particulièrement intéressante pour réfléchir à l’approche diagnostique traditionnelle consistant à offrir des services dans le réseau public. La présente étude montre qu’offrir des interventions basées uniquement sur le diagnostic et la sévérité de celui-ci peut causer des préjudices aux enfants qui fonctionnent mieux au moment du diagnostic. Ces enfants n’ayant peu ou pas reçu d’interventions comparativement au groupe 3 ont vu une diminution de leurs scores à l’échelle de comportements adaptatifs.
  • Les groupements sont importants à considérer lorsque l’intervention est planifiée et que le pronostic est évalué.