PÉRIODE DIAGNOSTIQUE EN AUTISME: FACTEURS DE RISQUE ET DE PROTECTION DE LA QUALITÉ DE VIE DES FAMILLES
Abrégé de :
Rivard, M., Morin, D., Coulombe, P., Morin, M., & Mello, C. (2023). The Diagnostic Period for Autism: Risk and Protective Factors for Family Quality of Life in Early Childhood. Journal of autism and developmental disorders, 53(10), 3755–3769. https://doi.org/10.1007/s10803-022-05686-w
La période entourant le processus d’évaluation diagnostique en autisme ou en déficience intellectuelle comporte de nombreux stresseurs pour les familles et met au défi l’adaptation du système familial. Bien que les études montrent qu’accéder rapidement aux services, recevoir des services de qualité et obtenir du soutien peut avoir un impact positif majeur sur la qualité de vie et le fonctionnement des familles, en réalité, les parents se heurtent à d’importantes listes d’attente, n’obtiennent pas toujours des services basés sur les meilleures pratiques et reçoivent peu ou pas de soutien. Ces lacunes peuvent exacerber les vulnérabilités des familles, accroître les risques de difficultés d’adaptation et diminuer leur qualité de vie.
Certaines études montrent que des facteurs de risque et de protection peuvent influencer la perception de la qualité de vie des familles. On compte notamment des facteurs liés à la famille (p. ex. revenus familiaux, nombre d’enfants, pays d’origine, langue maternelle), à l’enfant (p. ex. la sévérité des symptômes d’autisme, le quotient intellectuel, les comportements adaptatifs et les comportements défis) et systémiques (p. ex. soutien et informations reçus pendant l’évaluation). La clinique pilote Voyez les choses à ma façon (VCMF) visait à répondre à ces défis en utilisant un modèle de soin centré sur la famille, en offrant des services basés sur les meilleures pratiques et en incorporant des stratégies pour soutenir les familles durant la période diagnostique jusqu’à l’obtention de services spécialisés. Le premier objectif de cette étude est d’évaluer si les familles ayant reçu un diagnostic à la clinique VCMF présentent une meilleure qualité de vie que les familles qui ont reçu un diagnostic dans le réseau public. Le deuxième objectif est de mieux comprendre la qualité de vie des familles d’un enfant ayant récemment reçu un diagnostic, en identifiant les facteurs de risque et de protection de la qualité de vie familiale.
Survol de la méthode
Participants. 547 familles qui ont récemment reçu une évaluation diagnostique dans un hôpital du réseau public ou de la clinique VCMF ont participé à l’étude. Les enfants étaient majoritairement des garçons (80%) âgés entre 1 an et 7 ans. Ils avaient été référés pour un soupçon d’autisme ou de déficience intellectuelle. Les parents devaient parler anglais ou français. La moitié des mères et la majorité des pères (plus de 80%) avaient un emploi.
Instruments de mesure. Les instruments utilisés portaient sur: 1) la qualité de vie des familles; 2) le fonctionnement intellectuel; 3) les comportements adaptatifs; 4) les comportements défis; 5) le stress parental; 6) des questions sociodémographiques.
Le questionnaire de qualité de vie inclut cinq sous-échelles : le rôle parental, le bien-être émotionnel, les interactions familiales, le bien-être physique et matériel et le soutien extérieur à la famille apporté à l’enfant.
Procédure. Les participants ont été recrutés à la suite de leur participation à deux projets longitudinaux s’intéressant aux familles ayant reçu un diagnostic d’autisme ou de déficience intellectuelle pour leur enfant. Les parents ont été informés du projet de recherche lors d’une rencontre suivant l’annonce du diagnostic. Le test de fonctionnement intellectuel et le questionnaire sur les comportements adaptatifs ont été remplis par un psychologue clinicien. Le psychologue a accompagné les parents pour remplir le questionnaire sur les comportements défis. Un intervenant qui connaissait bien l’enfant a aussi rempli une version du questionnaire sur les comportements défis. Les parents ont également répondu au questionnaire sur la qualité de vie et le stress parental.
Analyses. Des tests-t ont été utilisés pour comparer les sous-échelles de la qualité de vie entre les parents qui ont reçu un diagnostic à la clinique pilote VCMF et ceux qui l’ont reçu dans le réseau public. Une régression a aussi été effectuée afin d’évaluer les effets des facteurs de risque et de protection potentiels (reliés à la famille, à l’enfant ou au système) sur la qualité de vie de la famille.
Résultats
- La plupart des familles évaluent leur qualité de vie comme étant positive ou neutre et ce, sur toutes les sous-échelles du questionnaire.
- Parmi les sous-échelles de la qualité de vie, c’était le bien-être physique et matériel qui avait les scores les plus élevés, suivi des sous-échelles de soutien pour répondre aux besoins de l’enfant et du rôle parental. Les scores les moins élevés étaient observés sur les sous-échelles de bien-être émotionnel et d’interactions familiales.
- Concernant les parents ayant reçu un diagnostic dans le réseau public, les scores aux sous-échelles de rôle parental, de bien-être émotionnel et de soutien pour répondre aux besoins de l’enfant avaient des scores similaires et plus élevés que le score à la sous-échelle d’interactions familiales.
- Concernant les parents ayant reçu un diagnostic à la clinique VCMF, les sous-échelles de bien-être émotionnel et d’interactions familiales étaient évaluées moins positivement que les trois autres.
- Les familles qui ont obtenu un diagnostic à la clinique pilote VCMF avaient des scores de qualité de vie plus élevés que les familles ayant eu leur diagnostic dans le réseau public, et ce, autant sur le score global de l’échelle qu’à toutes les sous-échelles du questionnaire.
- Les résultats des régressions montrent que le type de services (réseau public ou clinique pilote VCMF) était un prédicteur de la qualité de vie, ce qui indique que les différences entre les deux types de services étaient présentes même en contrôlant les autres facteurs de risque et de protection.
- Concernant les facteurs liés à l’enfant et à la famille, les résultats sont présentés dans le tableau 1.
Tableau 1. Facteurs influençant la qualité de vie pour chacune des sous-échelles et l’échelle globale de qualité de vie
Facteurs | Rôle parental | Bien-être émotionnel | Interactions familiales | Bien-être physique et matériel | Soutien apporté à l’enfant | Échelle globale de qualité de vie |
Liés à l’enfant | ||||||
Plus de comportements défis | – | – | ||||
Plus de comportements internalisés | + | |||||
Liés à la famille | ||||||
Plus d’enfants | – | – | ||||
Famille recomposée | – | – | ||||
Revenu familial plus élevé | – | |||||
Parler une langue autre que le français ou l’anglais | + | |||||
Père sans emploi | – | – | – | |||
Mère sans emploi | + | |||||
Stress parental plus élevé – sous-échelle enfants avec défis | – | – | – | – | ||
Stress parental plus élevé – sous-échelle de détresse parentale | – | – | – | – | – |
+ Score plus élevé de qualité de vie
– Score moins élevé de qualité de vie
Discussion
Premièrement, l’étude montre clairement l’influence positive d’un modèle de soin centré sur la famille sur la qualité de vie perçue par les familles. Les résultats indiquent que le modèle adopté par la clinique VCMF est un facteur de protection pour les familles et pourrait répondre aux enjeux observés actuellement dans le réseau public (longues listes d’attentes, manque de soutien pour le bien-être des familles et pour naviguer à travers les services).
Deuxièmement, les résultats de l’étude actuelle sont cohérents avec les études antérieures qui montrent que les familles ont besoin de soutien au niveau de leur bien-être émotionnel et de leurs interactions familiales, les deux sous-échelles de qualité de vie les moins bien évaluées. L’étude démontre donc qu’il est important de fournir un support psychologique aux parents pendant la trajectoire de services, d’autant plus que les études démontrent un lien bidirectionnel entre le bien-être des parents et les difficultés socio-émotionnelles des enfants.
Troisièmement, cette étude a identifié des facteurs de risque et de protection associés à la qualité de vie. Ces facteurs étaient liés aux caractéristiques des familles et des enfants.
- Contrairement aux résultats d’autres études, la sévérité des symptômes de l’autisme, le quotient intellectuel et les comportements adaptatifs n’étaient pas liés à la qualité de vie de la famille.
- Étant donné le lien entre la qualité de vie et les comportements défis, il est recommandé d’offrir, en plus du soutien psychologique, des programmes de coaching parental afin que les parents puissent intervenir rapidement auprès de leur enfant.
- Le nombre d’enfants dans une famille, le type de famille (recomposée), le revenu et l’occupation des parents jouaient tous un rôle sur la qualité de vie de la famille. Ces facteurs de risque pourraient être pris en compte pour offrir du soutien à ces familles, par exemple du répit pour les familles plus nombreuses ou un conseiller en orientation pour les parents à la recherche d’un emploi.
- Un stress parental plus élevé était lié à une qualité de vie moins élevée, ce qui est cohérent avec la littérature.
- Contrairement à la littérature, il n’y avait pas de lien entre le pays d’origine et la langue maternelle et une qualité de vie moins élevée.