Les retombées

LES RETOMBÉES

Dans ce projet de recherche, l’équipe a répondu à son mandat de développer et d’évaluer des outils pour favoriser la gestion des problématiques comportementales et socioémotionnelles (PCS) chez les jeunes enfants ayant un retard de développement tel qu’un trouble du spectre de l’autisme (TSA), un retard global de développement (RGD) ou une déficience intellectuelle (DI) et pour mieux soutenir les familles et les milieux de pratique.

Les retombées de cette recherche sont nombreuses : elle a déjà et elle continuera d’avoir des conséquences tant sur la pratique clinique que sur le plan scientifique. Grâce à l’interinfluence directe et continue entre le milieu clinique et la recherche, le partenariat de recherche a permis des retombées concrètes à la fois pour les enfants et les familles ayant collaboré à l’évaluation des outils, pour les intervenants ayant été formés et supervisés à appliquer ces outils, et pour l’équipe de recherche dans l’avancement des connaissances et la formation d’étudiants.

LES RETOMBÉES CLINIQUES

En plus d’avoir effectué des études dont les résultats peuvent être consultés dans la section « Le projet », nous avons fait l’exercice de recenser les retombées cliniques observées par les personnes impliquées dans les milieux de pratiques. Les personnes interrogées ont spontanément mentionné que :

  • les outils et les connaissances développés dans le cadre du projet répondent aux besoins concrets des intervenants et des familles qui en sont à l’origine;
  • la satisfaction des intervenants face à leur travail et aux outils offerts a augmenté, tout comme leur sentiment de compétence;
  • le milieu clinique a une meilleure connaissance des caractéristiques des enfants qui présentent des PCS ainsi que des contextes associés à la présence de PCS;
  • la qualité des services offerts s’est améliorée;
  • le projet a permis l’ajout d’une structure d’intervention balisée s’intégrant dans une offre de services à la petite enfance;
  • les intervenants disposent maintenant d’une méthode de travail systématique, simple et en cohérence avec leur pratique d’intervention chez les jeunes enfants;
  • la documentation, le matériel de formation et les outils cliniques sont accessibles et faciliteront la pérennisation des pratiques développées;
  • les outils de formation demeureront accessibles même après la fin du projet de recherche, ce qui permettra au milieu de se les approprier et d’être autonome dans la mobilisation des connaissances;
  • le projet permet d’implanter des interventions qui tiennent compte des meilleures pratiques pour la gestion des PCS;
  • compte tenu de la flexibilité des outils développés, les interventions peuvent être appliquées auprès d’enfants et de familles ayant divers profils cliniques, diagnostics et situations familiales;
  • d’autres services de l’établissement sont ouverts à utiliser ces outils pour compléter la trajectoire de services, par exemple pour soutenir les intervenants œuvrant auprès des enfants de plus de 7 ans en contexte scolaire.

Voici les retombées plus détaillées du projet de recherche 

UN OUTIL DE DÉPISTAGE ET D’ÉVALUATION DES PROBLÉMATIQUES COMPORTEMENTALES ET SOCIOÉMOTIONNELLES

L’un des apports de la recherche est la traduction et la validation francophone du Developmental Behavior Checklist – Under 41(DBC-U4) pour les jeunes enfants ayant un TSA, un RGD ou une DI. Ce questionnaire est conçu pour dépister et évaluer la présence de PCS chez les enfants âgés de 2 à 7 ans.

Cet outil permettra aux centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et aux centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS) de faire ressortir rapidement leurs besoins d’intervention sur le plan des PCS, et de décrire leur population afin de mieux planifier leur offre de service.

À l’échelle individuelle, l’outil aidera à dresser un portrait plus précis de l’enfant avant le début des services ainsi que tout au long de son parcours. Cela permettra non seulement de mieux planifier et d’individualiser l’offre de service à sa famille, mais également de mieux suivre l’évolution des PCS au cours de l’intervention, et d’évaluer l’efficacité du traitement ou des interventions.

Les résultats du suivi longitudinal des PCS (étude 1) permettront de faire des recommandations quant aux soutiens à offrir aux familles à long terme.

UN PROGRAMME D’INTERVENTION SUR LES PCS À MÊME LES SERVICES D’INTERVENTION PRÉCOCE

Les résultats concernant l’implantation du programme Prévenir-enseigner-renforcer–Petite enfance2, sa validité sociale et ses effets sur les familles, les enfants et les intervenants (étude 3) permettent de proposer un cadre d’intervention adapté aux enfants ayant des PCS et leur famille. Ce cadre d’intervention vise à maximiser la réponse des enfants aux interventions précoces déjà en place, à mieux soutenir les familles et à favoriser la formation des intervenants.

Plus précisément, ce programme a permis de répondre aux besoins des milieux concernant les difficultés comportementales et émotionnelles des enfants, ainsi que l’adaptation des parents et des intervenants en proposant :

  • des balises d’évaluation des PCS chez les jeunes enfants ayant un TSA ou une DI ainsi que des facteurs à prendre en compte dans cette évaluation du point de vue écosystémique;
  • un cadre de soutien aux familles clair et convivial;
  • une meilleure gestion des PCS à même les services en petite enfance offerts dans les CISSS et CIUSSS, qui prend en compte les influences bidirectionnelles des difficultés vécues par l’enfant, sa famille et ses intervenants;
  • un système balisé de collaboration entre la famille, les intervenants spécialisés et les milieux éducatifs de la petite enfance permettant la mise en place de soutiens cohérents;
  • un système de formation, du matériel pédagogique et des modalités de soutien aux intervenants spécialisés des CISSS et des CIUSSS.

Par ailleurs, la simplicité et la structure du programme Prévenir-enseigner-renforcer–Petite enfance permettent d’envisager de façon réaliste son implantation dans d’autres institutions. Ces dernières pourront alors mettre en place un programme de réduction des PCS basé sur les meilleures pratiques (soutien positif au comportement, évaluation fonctionnelle, inclusion de la famille, décision basée sur des données valides).

LA FORMATION D’INTERVENANTS ET LE DÉVELOPPEMENT DE L’EXPERTISE DES MILIEUX

La formation de plusieurs intervenants à l’utilisation des outils et à l’application du programme PTR-YC à même les services d’intervention précoce déjà en place est une autre retombée directe du projet. Elle répond à un besoin criant des milieux qui déplorent le manque de formation et d’outils pour intervenir sur les PCS chez les enfants. En ce sens, le projet répond à leurs préoccupations puisqu’il permet de former directement des intervenants aux nouvelles connaissances et aux modalités de soutien proposées en lien avec les PCS. La formation des intervenants favorise également leur sentiment de compétence.

Les intervenants ainsi formés deviennent experts dans leur milieu et peuvent à leur tour former d’autres intervenants. Il en résulte un développement de l’expertise au sein des organisations qui assure la pérennité de leur utilisation du programme et accroît leur autonomie. Elles pourront ainsi éventuellement soutenir d’autres organisations afin qu’elles puissent elles aussi profiter des résultats de cette recherche.

Un tel résultat n’aurait pu être possible sans l’implication constante des milieux de pratique. En effet, cette implication a joué un rôle incontournable dans la mobilisation des connaissances, la formation ainsi que l’adoption et l’intégration des meilleures pratiques dans les milieux d’intervention.

UN MODÈLE DE SOUTIEN AUX FAMILLES DANS L’APPLICATION DE STRATÉGIES DE GESTION DES PCS

Les parents sont considérés comme les experts de leur enfant. D’autre part, les meilleures pratiques tendent à démontrer les effets positifs de la participation active des parents dans le développement et la mise en place d’interventions adaptées à leurs besoins et à leur contexte familial. C’est pourquoi le programme PTR-YC a été développé et adapté afin de tenir compte de l’expertise des parents et de leur pouvoir d’agir. Le programme enrichit ainsi leurs connaissances tout en renforçant les capacités des services. De plus, comme ce programme est basé sur le soutien et la collaboration entre les parents et les intervenants dans la mise en place des interventions en fonction des besoins et contextes de chacun, il répond au besoin souvent mentionné par les familles d’avoir des outils d’évaluation et d’intervention simples, concrets et efficaces pour la gestion des PCS.

LA TRADUCTION FRANCOPHONE ET L’ADAPTATION DU MANUEL PTR-YC

Une autre retombée directe du projet est la traduction et l’adaptation en français du manuel Prevent-Teach-Reinforce for Young Children et de l’ensemble des outils fournis avec le programme. Cette adaptation tient compte des résultats obtenus lors d’études pilotes visant à tester la mise en place du programme dans le contexte de la vraie vie ou dans le cadre de programmes d’intervention précoce spécialisée offerts par les CISSS et les CIUSSS.

La publication de ce manuel rend son contenu accessible à tous. Elle favorise ainsi le soutien aux familles et aux intervenants amenés à appliquer le programme auprès de jeunes enfants ayant un TSA, un RGD ou une DI et qui présentent également des PCS.

UN REGARD PLUS INFORMÉ SUR LES FACTEURS ASSOCIÉS AUX PROBLÉMATIQUES COMPORTEMENTALES ET SOCIOÉMOTIONNELLES

Ce projet contribue à combler des lacunes dans la recherche au sujet des PCS. En effet, les études sur les profils d’enfants ayant un TSA ou une DI portent principalement sur la description des symptômes primaires associés aux diagnostics (bien qu’on en connaisse peu sur leur évolution). Peu d’études portent sur le développement des difficultés comportementales et émotionnelles chez ces enfants, malgré que ces dernières soient associées au diagnostic de TSA et DI (chez 60 à 90 % des enfants). Aussi, les soutiens dans les différents systèmes de services sont presque exclusivement organisés autour de la réduction des symptômes primaires du diagnostic chez l’enfant (par exemple, la réadaptation cognitive et langagière). Nous savons toutefois que la compréhension du développement des enfants ayant un TSA ou une DI ainsi que les soutiens formels apportés à ces enfants et leur famille doivent être envisagés sous l’abord de conditions qui impliquent des conséquences multiples sur l’ensemble des systèmes entourant l’enfant. C’est ce que fait ce projet, en favorisant le développement d’une meilleure compréhension des associations complexes entre les difficultés de l’enfant et celles des personnes impliquées dans ces différents systèmes de vie.

En lien avec ces enjeux, ce projet de recherche a permis d’améliorer les connaissances scientifiques et notre compréhension de : 1) l’évolution des PCS, depuis l’obtention du diagnostic de TSA, DI ou RGD jusqu’à l’entrée à l’école; 2) des facteurs (individuels, familiaux, contextuels) en jeu dans le développement de PCS chez les jeunes enfants ayant un TSA, une DI ou un RGD; 3) des influences mutuelles entre ces difficultés, les habiletés adaptatives des enfants et le bien-être psychosocial de leurs parents et intervenants.

Ce projet a également apporté des éléments de réponse aux questions suivantes.

  • Quels facteurs individuels, familiaux et contextuels influencent le développement dans le temps des difficultés comportementales et émotionnelles chez les jeunes enfants ayant un TSA ou une DI ?
  • Quels facteurs influencent en contrepartie le développement d’habiletés socioémotionnelles et adaptatives, l’inclusion et la participation sociale de ces enfants dans leurs divers milieux de vie ?
  • Quels facteurs influencent le bien-être psychosocial et la qualité de vie de leur famille ?
  • Quels facteurs influencent le bien-être psychosocial et la qualité de vie de leurs intervenants ?
  • Quelles sont les conséquences des PCS observées et perçues chez les enfants, familles et intervenants, selon les différents types de contextes et de services ? Comment évoluent-elles ?

UN INCUBATEUR DE PROJETS PILOTES PROMETTEURS

Le présent projet, qui fait suite à plusieurs autres effectués par l’équipe en lien avec les PCS chez les enfants ayant un TSA ou une DI, sert en quelque sorte d’incubateur de projets pilotes visant à évaluer et à soutenir l’implantation de ces outils d’évaluation et d’intervention des PCS à grande échelle. Il est d’ailleurs le précurseur d’un projet de recherche à venir en 2021-2022 qui visera à évaluer l’efficacité du programme Prévenir-enseigner-renforcer–Petite enfance sur un plus grand échantillon.

CONSOLIDATION DE NOTRE ÉQUIPE DE RECHERCHE EN PARTENARIAT

Le présent projet a mobilisé plusieurs acteurs des milieux universitaires, des milieux de pratique (CISSSMO et d’autres CISSS et CIUSSS) et des familles. Cette collaboration a permis non seulement de développer des connaissances sur les facteurs en jeu dans le développement des PCS et sur les outils d’évaluation et d’intervention, mais aussi de consolider notre équipe de recherche en partenariat dont les premiers travaux remontent à 2006.

Un tel projet n’aurait pu être réalisé sans une collaboration étroite avec les partenaires qui ont développé au cours des dernières années une culture de recherche essentielle à la poursuite de travaux communs. En effet, l’expérience passée avec le CISSSMO a démontré que le processus de coconstruction des connaissances permet à tous les acteurs de contribuer par leurs expertises distinctes et communes afin de développer de nouveaux savoirs. Notre projet se conforme donc aux principes de la mutualisation des savoirs en recherche et des savoirs expérientiels des experts du terrain.

Dans le cadre de ce projet, notre équipe a confirmé son désir de s’affirmer comme équipe de recherche en partenariat. Nous souhaitons ainsi pérenniser nos démarches et notre fonctionnement dans le développement et l’évaluation de nouvelles interventions répondant aux besoins des milieux, tout en en faisant la promotion des connaissances et des savoirs expérientiels tels que ceux issus de la présente étude. En somme, pendant ce projet, la mission de notre équipe de coconstruire des modalités de soutien en réponse aux difficultés vécues par les enfants, les parents et les intervenants, est devenue manifeste.

Références

1. Rivard, M., Morin, D., Forget, J., Terroux, A., Mestari, Z., & Mello, C. (en préparation). Development and validation of the French version of the Developmental Behavior Checklist-Under 4 to assess behavior and emotional problems in young children with autism spectrum disorder or intellectual and developmental disabilities. Journal of Intellectual Disability Research.

2. Dunlap, G., Wilson, K., Strain, P.S., & Lee, J. (2019). Prévenir-enseigner-Renforcer Modèle de soutien comportemental positif. Programme PTR-YC pour jeunes enfants. Prevent-Teach Reinforce for Young Children. The Early Childhood Model of Individualized Positive Behavior Support. [trad. dir : D. Morin, J. Forget, M. Argumedes et M. Rivard] (Original work published in 2016). De Boeck Superieur.