Mesurer si des effets statistiquement et cliniquement significatifs sont observés sur des variables ciblées par le programme) du programme Prévenir-enseigner- renforcer
Résumé de l’article : « Using Prevent Teach Reinforce for Young Children to Manage Challenging Behaviors in Public Specialized Early Intervention Services for Autism »
Rédaction de la capsule de transfert des connaissances : Christine Lefebvre, Ph.D., coordonnatrice du laboratoire ÉPAULARD
Dans cet article, nous avons fait une démonstration de la faisabilité et de preuve de concept (mesurer si des effets statistiquement et cliniquement significatifs sont observés sur des variables ciblées par le programme) du programme Prévenir-enseigner- renforcer – petite enfance pour agir sur les problématiques comportementales et socioémotionnelles (PCS) des jeunes enfants ayant un diagnostic de trouble du spectre de l’autisme (TSA) ou de déficience intellectuelle (DI), dans le contexte des services publics d’intervention comportementale intensive au Québec. Cet article contient ainsi les résultats d’une étude pilote menée au CISSS de la Montérégie-Ouest auprès de 35 familles (parents et enfants) et de leurs intervenants qui s’est déroulée de février 2016 à février 2018. Cette étape était nécessaire avant de tester l’efficacité du programme en situation d’application réelle lors d’un essai randomisé contrôlé sur de grands groupes de participants. Ainsi, nous avons vérifié que le programme avait été bien traduit et adapté. Nous voulions nous assurer qu’il était possible de l’implanter dans le contexte des services spécialisés en petite enfance et TSA des CISSS et CIUSSS, tout en impliquant peu de ressources supplémentaires, et qu’il répondait vraiment aux besoins des milieux de pratiques. Nous devions aussi nous assurer que les parents, les intervenants et les gestionnaires jugeaient le programme utile, réalisable et qu’il donnait les effets escomptés sur les divers enjeux ayant stimulé la création du projet (conséquences associées à la présence de PCS chez les enfants, les parents et les intervenants).
Dans l’étude, le programme a été intégré aux services d’intervention comportementale intensive (ICI) publics du CISSS de la Montérégie-Ouest (CISSSMO). Les facilitateurs du programme (ceux supervisant le programme avec les parents et s’assurant de la réalisation de toutes ses étapes), soit les éducatrices spécialisées responsables de l’ICI, ont reçu une formation de 2 jours pour apprendre à appliquer le programme et à coacher les parents dans l’application des différentes étapes d’évaluation et d’intervention. Avec les parents, ces personnes ont mis en place et appliqué l’intervention le programme d’intervention pour une durée de 10 semaines. Durant l’application du programme, les facilitateurs recevaient une supervision hebdomadaire lors d’appels téléphoniques d’une trentaine de minutes avec des professionnels en analyse appliquée du comportement (membres de l’équipe de recherche ou psychologue au CISSSMO).
Des mesures ont été prises avant et après le programme afin d’en évaluer les effets et des questionnaires et entrevues ont été réalisés auprès des participants.
Résultats de l’étude
Recrutement et rétention des participants
Quatre-vingt-trois familles ont été contactées par téléphone. Un total de 47% des familles contactées ont accepté de participer, 18% ont refusé et 35% n’ont pas donné de réponse (les familles n’ont pas donné de nouvelles ou n’ont pas été rejointes – pas de boîte vocale pour laisser un message).
Des 39 familles ayant accepté de participer, quatre n’ont pas donné suite : une famille n’était plus disponible suite à la blessure d’un parent, une famille a indiqué que son enfant ne présentait plus de PCS, une famille a décidé de ne pas recevoir de services d’ICI et une dernière famille a dû annuler sa participation parce que la personne responsable de l’ICI pour leur enfant était en congé de maladie.
Des 35 familles qui ont participé, 30 ont complété l’intervention. Deux familles ont interrompu la participation de leur enfant à l’ICI, interrompant du même coup le programme, tandis que trois ont mentionné manquer de temps pour compléter les collectes de données quotidiennes.
En somme, des 39 familles ayant accepté de participer à l’étude, 30 (77%) l’ont complété. Seulement trois familles (7,6%) ont interrompu leur participation à cause des caractéristiques du programme (pas assez de temps à y consacrer). Par ailleurs, 86% des familles ayant débuté le programme l’ont complété. Cela nous indique que le programme comporte des demandes raisonnables envers les parents et que ceux-ci jugent pertinent de le compléter.
Participation à l’étude
À la suite de l’intervention, 23 familles ont complété et retourné au moins une partie des questionnaires de mesures postintervention (17 mesures de stress parental, 15 questionnaires d’acceptabilité de l’intervention, 20 questionnaires de mesures de PCS et 21 questionnaires des mesures de comportements positifs [NCBRF]). À noter qu’en contexte réel (sans l’ajout de la recherche), il n’est pas demandé aux parents de compléter des mesures et questionnaires qui sont supplémentaires au programme.
Effets du programme
Effets sur les parents et enfants
Bien que le but de cette étude pilote n’était pas de tester l’efficacité du programme (ce qui sera fait lors d’un essai contrôlé randomisé), nous avons vérifié que les indices de succès étaient positifs. Ainsi, les comportements stéréotypés, d’automutilation et d’agression des enfants tels que mesurés avec le questionnaire Behavior Problem Inventory ont diminué de façon statistiquement et cliniquement significative après l’intervention par rapport à avant l’application du programme, tandis que leurs comportements sociaux positifs, mesurés avec le Nisonger Child Behavior Rating Form, ont augmenté (aussi de façon significative).
Par ailleurs, avant l’intervention, 51% et 27% des parents avaient un score cliniquement significatif sur les échelles enfant et parent de l’indice de stress parental. Après l’intervention, ces taux étaient passés à 30% et 11%, respectivement, ce qui constitue également des effets statistiquement et cliniquement significatifs.
Ces indices nous permettent de croire que le programme aura des effets significatifs lors de l’essai contrôlé randomisé.
Fiabilité d’implantation
Les facilitateurs ont implanté les étapes et processus du programme avec un taux de fiabilité de 89,7%. Quinze des 20 familles pour lesquelles la fiabilité d’implantation a été mesurée ont affiché un taux de fiabilité d’implantation supérieur à 80%. Ces résultats nous indiquent qu’il est possible d’implanter le programme efficacement dans le contexte des services publics d’ICI du Québec lorsque l’équipe d’intervention PTR comprend l’éducateur spécialisé ICI ainsi qu’un moins un parent.
Perceptions du programme
Parents
Les parents ont jugé que le programme était acceptable. Dans une échelle allant de 1 (pas du tout acceptable) à 5 (très acceptable), ils ont donné une cote moyenne de 4.6 aux 17 questions évaluant l’acceptabilité du programme (TARF-R). Ils ont jugé le programme efficace (moyenne = 4.4), raisonnable (moyenne = 4.5) et ont montré une grande motivation à l’appliquer (moyenne = 4.4). Seuls 2 items ont obtenu un score sous la cote de 4 (acceptable). Ils concernaient le temps nécessaire à la complétion du programme (un item à 2.9, moyenne de la catégorie = 3.7) et l’inconfort vécu par l’enfant durant le programme (un item à 3.9, moyenne de la catégorie = 4.1). Notez que les perceptions des parents par rapport à la validité sociale (satisfaction) et aux différents aspects de l’implantation du programme seront davantage détaillées dans l’article [à venir].
Organisation
La gestionnaire responsable des services aux jeunes enfants du CISSSMO a jugé le programme très acceptable (moyenne au TARF-R = 4.8). Elle a jugé acceptables (cote = 4) les items associés à la participation, à la convenance, à l’implication, aux craintes des parents concernant leur enfant et à la motivation des parents à appliquer le programme. Lors d’une entrevue, elle a souligné les avantages du programme et la rétroaction fortement positive qu’elle a reçue de la part des intervenants. Elle a aussi mentionné que le programme était compatible avec les valeurs de l’organisation, et qu’il fournissait des habiletés que les intervenants pourront utiliser à long terme. Notez que les effets du programme sur les intervenants ainsi que leurs perceptions face à la validité sociale et à la qualité de l’implantation du programme sont détaillés dans les deux articles [Learning from Community-based Specialized Educator: Implementing Positive Behavior Support Intervention Targeting Challenging Behavior in Children with Autism et à venir].
Conclusion
Le but de l’étude pilote présentée dans cet article était de déterminer si le programme Prévenir-Enseigner-Renforcer peut être appliqué auprès d’enfants d’âge préscolaire recevant des services d’ICI dans un CISSS québécois. Pour être utile en contexte réel, ce programme doit être faisable et applicable avec les ressources disponibles, par les intervenants déjà en place. En effet, les paramètres de dispensation actuels ne permettent pas l’ajout de personnel ni le déblocage de budgets importants ou encore de formation, de supervision et de modalités d’intervention impliquant de grandes ressources et du temps. Le programme a donc été choisi parce qu’il peut être dispensé sur une courte période, avec peu de temps de supervision, par le personnel déjà en place. Le personnel lui-même recevait une formation de courte durée (2 jours), sans passer par un long processus de certification.
Les indices qualitatifs et quantitatifs mesurés lors de cette étude sont de façon générale très positifs. Du côté organisationnel, le programme remplit ses promesses. Les parents apprécient eux aussi le programme. Tant la gestionnaire que les parents reconnaissent qu’un investissement de temps et d’effort est nécessaire de la part des parents pour appliquer le programme, et que ceci pourrait constituer un obstacle à son implantation. Toutefois, un effort des parents est nécessaire à toute intervention les impliquant, et ce possible obstacle serait le même, quel que soit le programme ou l’intervention choisie.
En somme, les données cumulées dans cette étude laissent présager que le programme sera efficace et apprécié. Nous sommes donc en mesure de réaliser l’essai randomisé contrôlé sur un grand groupe de participants (180, soit implantation universelle du programme chez les éducateurs spécialisés en petite enfance au CISSSMO), afin de démontrer son efficacité en situation réelle d’implantation.